
La cigarette bannie à la plage et au parc, mais pas en terrasse

Fumer à la plage, dans un parc, sous un abribus ou devant un lycée, c'est officiellement banni dès dimanche en France. Cette interdiction visant à protéger notamment les enfants ne concerne pas les terrasses de cafés et restaurants, au grand dam des associations anti-tabac.
Promise fin 2023 et annoncée fin mai par Catherine Vautrin, cette mesure s'applique aussi aux abords des bibliothèques, équipements sportifs (stades, piscines...), établissements scolaires et établissements destinés à l'accueil, formation ou hébergement des mineurs, selon le décret paru samedi matin au Journal officiel, même si les périmètres précis doivent être encore déterminés par un autre texte.
Les cigarettes électroniques ne sont pas concernées par cette interdiction, qui ne s'applique pas aux terrasses de cafés et de restaurants.
Le non-respect de cette interdiction pourrait à terme être sanctionné par une contravention de quatrième classe, soit 135 euros, mais le ministère de la Santé a évoqué fin mai devant la presse une période de "pédagogie".
"Là où il y a des enfants, le tabac doit disparaître", a déclaré fin mai Catherine Vautrin, plaidant que la liberté de fumer "s'arrête là où commence le droit des enfants à respirer un air pur".
L'élargissement des espaces sans tabac faisait partie des mesures prévues par le Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027, avec l'ambition de "relever le défi d'une génération débarrassée du tabac dès 2032".
Désireuses d'agir, 1.600 communes volontaires ont déjà élargi l'interdiction de fumer dans les lieux publics à des parcs, plages, pistes de ski, abords d'écoles... soit 7.000 espaces sans tabac, dans des expérimentations locales accompagnées par la Ligue contre le cancer.
Selon un sondage commandité par la Ligue contre le cancer et publié fin mai, six Français sur dix (62%) sont favorables à une plus large interdiction de la cigarette dans l'espace public.
- "Hameçonner les jeunes" -
Très attendue par les organisations de lutte contre le tabagisme, l'interdiction permettant de "dénormaliser" l'usage du tabac dans l’espace public "va dans le bon sens, mais reste insuffisante", déclare à l'AFP Yves Martinet, le président du Comité National Contre le Tabagisme (CNCT).
"La ministre s'appuie sur la protection des enfants", mais ces derniers "vont aussi sur les terrasses", souligne ce pneumologue.
Franck Delvau, président de l'Umih (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) d'Ile-de-France, se satisfait pour sa part que les terrasses ne soient pas concernés: une telle interdiction ne ferait selon lui que déplacer le problème: "Les gens en terrasse iraient fumer à côté des établissements".
"Fumeurs et non-fumeurs peuvent cohabiter" en terrasse, les "derniers lieux de convivialité et de liberté", abonde Franck Trouet, délégué général du Groupement des Hôtelleries et Restaurations de France (GHR).
En France, l'exposition passive à la fumée du tabac fait 3.000 à 5.000 morts par an, selon les chiffres officiels.
Le CNCT regrette aussi l'absence dans le texte des cigarettes électroniques, dont les arômes servent à "hameçonner les jeunes", regrette le CNCT. Or, "pour qu'une mesure soit efficace, il faut qu'elle soit claire : pas de consommation de produits contenant du tabac ou de la nicotine en public", martèle Yves Martinet.
Près de neuf Français sur dix (89%) iraient autant ou plus souvent sur des terrasses de cafés et restaurants non-fumeurs, et plus d'un tiers (35%) des fumeurs et vapoteurs souhaitent réduire leur exposition, dans un sondage commandé par l'association Demain Sera Non-Fumeur (DNF) et diffusé en juin.
Le tabagisme est en baisse constante en France avec "la prévalence la plus faible jamais enregistrée depuis 2000", selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).
Moins d'un quart des adultes de 18 à 75 ans déclaraient fumer quotidiennement en 2023, observe l'OFDT. Le tabagisme fait 75.000 morts par an et, selon l'OFDT, coûte 156 milliards d'euros par an à la société (vies, qualité de vie et productivité perdues, prévention, répression, soins...).
Le décret paru samedi renforce aussi les sanctions en cas de vente de produits du tabac et du vapotage aux mineurs, qui constitue désormais une contravention de cinquième classe.
G.Allen--SFF