Mexique: l'élection inédite de tous les juges du pays s'achève
Les premiers bureaux de vote ont commencé à fermer dimanche au Mexique, où les électeurs étaient appelés à désigner tous les juges du pays jusqu'à la Cour suprême, lors d'un scrutin unique au monde promu par la gauche au pouvoir afin de lutter contre le crime organisé.
Le taux de participation risque cependant d'être assez faible, l'autorité électorale ayant prévu que que seul 13% à 20% des électeurs se déplaceraient pour ce scrutin.
Cette élection est la colonne vertébrale d'une réforme constitutionnelle pour lutter contre "la corruption et les privilèges" du personnel judiciaire, selon la présidente Claudia Sheinbaum et son prédécesseur et mentor politique Andres Manuel Lopez Obrador, très populaires dans le pays.
"C'est la première fois dans l'histoire. C'est pour cela que j'ai voulu participer à cette élection historique", a déclaré à Palenque dans le Chiapas (sud), l'ex-président pour sa première réapparition publique depuis qu'il a transmis le pouvoir à Mme Sheinbaum le 1er octobre, après avoir promulgué la réforme.
La présidente a, elle, voté en passant 11 minutes et 10 secondes à remplir les bulletins, a calculé la chaîne d'information Milenio TV, qui a souligné la "complexité" de la procédure d'élection des juges à plusieurs échelons du pouvoir judiciaire.
Les électeurs doivent choisir parmi des centaines de candidats, ce qui peut nécessiter des heures de recherches pour qui veut voter de façon avisée, explique David Shirk, professeur à l'université de San Diego, aux Etats-Unis.
Au total, 881 postes sont en jeu au niveau fédéral, dont les neuf membres de la Cour suprême. Quelque 1.700 juges vont être élus dans 19 des 32 Etats. Des élections complémentaires auront lieu en 2027.
Les bureaux de l'est et du centre du pays ont cessé leurs opérations à 18H00 locales dimanche (00H00 GMT) lundi. Ceux du nord-ouest, suivant un autre fuseau horaire, fermeront ensuite.
- "Jour historique" -
Claudia Sheinbaum avait lancé un dernier appel à voter samedi qu'elle avait qualifié de "jour historique", balayant les arguments de ses adversaires.
"Ceux qui souhaitent le maintien du régime de corruption et de privilèges au sein du pouvoir judiciaire disent que cette élection est truquée. Ils disent aussi que c'est pour qu'un parti politique s'approprie la Cour suprême": "rien de plus faux", a déclaré la présidente, en assurant que cette élection inédite allait permettre l'avènement "d'un pouvoir judiciaire honnête, proche du peuple".
L'argument semble avoir convaincu Arturo Giesemann, 57 ans, qui a voté dans le centre de la capitale par "dégoût" envers l'actuel pouvoir judiciaire dirigé par des "corrompus". "C'est une opportunité pour changer", selon lui.
Les adversaires de la réforme dénoncent eux un risque de mainmise du pouvoir actuel sur le système judiciaire.
Quelques centaines de personnes ont participé à Mexico à une "marche nationale" contre la présidente et la "farce" de l'élection. "Non à la dictature" ou "Non à la fraude judiciaire. Moi je ne vote pas", pouvait-on lire sur certaines affiches.
- Candidats controversés -
Le Mexique, qui compte près de 130 millions d'habitants, enregistre chaque année 30.000 homicides. La plupart restent impunis.
Le pays compte six des huit bandes criminelles d'Amérique latine qualifiées d'"organisations terroristes" par le président américain Donald Trump.
L'ONG Defensorxs a identifié près de 20 candidats à risque pour leurs liens présents ou passés avec des figures du crime.
Parmi eux, Silvia Delgado, ex-avocate de Joaquín "Chapo" Guzmán, cofondateur du cartel de Sinaloa, condamné à la perpétuité aux Etats-Unis.
Mme Delgado est candidate à un poste de juge pénal à Ciudad Juarez, ville-frontière avec les Etats-Unis.
Autre exemple: Leopoldo Chávez, en campagne dans l'Etat du Durango (nord), a passé six ans en prison aux Etats-Unis pour trafic de méthamphétamines. "Je ne me suis jamais vendu auprès de vous comme le candidat parfait", a-t-il affirmé dans une vidéo sur Facebook.
Les candidats doivent être diplômés en droit, avoir de l'expérience et "une bonne réputation".
La corruption se joue encore davantage au niveau des parquets que des juges, rappelle M. Shirk, de l'université de San Diego.
"Il est beaucoup plus facile d'acheter un procureur" que "d'influencer le juge", explique celui qui dirige un projet de recherche sur la justice au Mexique.
W.Carter--SFF