
Pékin et Washington sur le point de se parler, Trump suggère d'abaisser ses droits de douane

Le président américain Donald Trump a semblé faire un pas vers Pékin vendredi en suggérant de baisser à 80% les droits de douane punitifs qu'il a lui même imposés sur les produits chinois, à la veille de négociations très attendues en Suisse.
"80% de droits de douane sur la Chine semble le bon niveau! Cela dépend de Scott B.", a écrit sur son réseau Truth Social le président américain, faisant référence à celui qui mènera les négociations pour Washington, le ministre américain des Finances Scott Bessent.
Après des semaines d'escalade entre les deux pays, le secrétaire au Trésor (son titre officiel) et le représentant au Commerce Jamieson Greer doivent rencontrer le vice-Premier ministre chinois He Lifeng ce week-end à Genève.
Le lieu précis reste inconnu.
"Hier (jeudi), le Saint-Esprit était à Rome. Il faut espérer qu'il descende maintenant à Genève pour le week-end", a lancé vendredi la présidente suisse, Karin Keller-Sutter, en référence à l'élection du pape Léon XIV.
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a imposé une surtaxe d'un montant total de 145% sur les marchandises en provenance de Chine, qui s'additionne aux droits de douane préexistants.
Pékin a riposté en imposant 125% de droits de douane sur les produits américains.
Résultat: les échanges bilatéraux sont pratiquement à l'arrêt.
Pour le ministre suisse de l'Economie Guy Parmelin, c'est déjà "un succès" que "les deux parties se parlent".
"On peut tout imaginer, a-t-il déclaré vendredi à la presse. Une suspension, par exemple, des droits de douane réciproques pendant la durée des discussions. Mais ça, c'est l'affaire des deux parties. Et ça serait positif, une telle décision hypothétique serait positive pour le monde entier."
Les discussions prévues à Genève sont "un pas positif et constructif vers la désescalade", a estimé de son côté la directrice générale de l'OMC Ngozi Okonjo-Iweala.
- Toujours "trop haut" -
"Aucune partie ne peut se permettre que cela se prolonge", a déclaré à des journalistes depuis Shanghai Xu Bin, professeur d'économie à l'école de commerce international Chine Europe (CEIBS).
"Les deux pays ont toutefois montré que, sans concession de l'autre bord, ils n'étaient pas prêts à faire le premier pas", a ajouté l'économiste.
Sur le plan "pratique", cela coince aussi, selon Bill Reinsch, expert du Center for Strategic and International Studies.
Donald Trump veut rencontrer son homologue Xi Jinping, "trouver un accord avec lui, et qu'ensuite leurs subordonnés règlent les détails", décrit-il à l'AFP alors que pour les Chinois, c'est l'inverse, "ils veulent que tous les sujets soient réglés avant une réunion" des deux présidents.
"Les Chinois vont gagner cette bataille parce que Xi n'apparaîtra pas tant qu'il ne sera pas satisfait de la tournure des négociations", estime M. Reinsch.
Le professeur Xu Bin ne s'attend pas à ce que les droits de douane reviennent à un "niveau raisonnable": "Même si cela descend, ce sera probablement de moitié, et là encore ce sera trop haut pour avoir des échanges commerciaux normaux."
- Rafale de négociations -
La Suisse a profité de son rôle d'hôte pour s'entretenir vendredi avec les responsables américains, alors que Washington a menacé d'imposer une surtaxe de 31% sur ses produits.
La présidente suisse a rapporté à l'issue que les deux parties étaient "d'accord" pour accélérer les discussions.
Depuis son investiture en janvier, le président républicain, protectionniste convaincu, a lancé une guerre commerciale tous azimuts: nouveaux droits de douane sectoriels (+25% sur l'acier, l'aluminium, l'automobile), droits de douane universels (+10% sur la plupart des produits entrant aux Etats-Unis, quelle que soit leur provenance), d'autres en gestation.
Des taxes encore plus lourdes étaient prévues pour les partenaires avec lesquels les Etats-Unis ont un déficit commercial.
Donald Trump les a suspendues jusque début juillet, sauf pour la Chine donc.
Jeudi, le président a annoncé son premier "deal" commercial - avec Londres - présenté comme "historique" des deux côtés.
Le document fait cinq pages. Il y est spécifié qu'il n'est "pas légalement contraignant".
Il doit permettre au Royaume-Uni d'échapper au gros des surtaxes américaines sur ses voitures et d'ouvrir davantage le marché britannique aux produits agricoles américains.
De nouvelles négociations doivent désormais s'ouvrir entre les deux pays pour formaliser leurs engagements respectifs, mais les droits de douane américains sur les produits britanniques restent pour le moment en place, a précisé un porte-parole du gouvernement britannique.
D.Robinson--SFF